Réforme des retraites : le premier ministre s’est exprimé

On devait en principe voir plus clair après le discours très attendu du premier ministre le 11 décembre 2019. Il n’en a rien été ! Droit dans ses bottes, Édouard Philippe a confirmé la volonté du gouvernement de mener à son terme cette réforme. Il lui aura fallu 55 minutes pour démontrer ses bienfaits malgré les suspicions et les désaccords profonds d’une grande partie des Français.

Je ne vais pas revenir en détail de ce discours au risque de vous ennuyer. Je me contenterai de vous faire part essentiellement des réactions et évènements notables qui se sont produits consécutivement ces derniers jours.

Remarque préliminaire : dans la précipitation de la réunion qui s’est déroulée à l’Elysée dimanche soir dernier, Edouard Philippe, dixit Le Canard enchaîné, a « oublié » d’informer Laurent Berger des décisions prises concernant l’âge pivot et la mise en place d’une décote. Cette maladresse aurait parait-il fortement déplu au leader de la CFDT très favorable par ailleurs au système à points et dont la centrale est fortement représentée à la RATP ainsi qu’à la SNCF.

Première brèche dans le système universel et égalitaire prôné par la réforme, les Policiers conserveront leur régime spécial. Ce n’est pas une surprise. Le berger a besoin de ses border collies pour conduire son troupeau. Il doit avant tout se pré-occuper de leur bien-être. Sans eux sa mission deviendrait impossible.

Deuxième brèche, le maître à penser de la réforme, le « Haut-Commissaire aux activités occultes » Jean-Paul Delevoye, grand pourfendeur des inégalités et défenseur de la transparence, vient de démissionner après que la Presse s’est faite l’écho à son encontre d’une dizaine d’activités « oubliées » donc non déclarées auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, laquelle par ailleurs envisage de portée plainte. Triste spectacle offert par ces politiques censés ne pas ignorer la loi mais qui la bafouent sans vergogne. A qui reviendra maintenant la lourde tâche abandonnée en chemin par le Haut-Commissaire ? On parle déjà de Mme Buzyn dont on a pu pourtant mesurer l’impéritie pour améliorer la bon fonctionnement de nos hôpitaux. Au train où va la réforme, force est de constater qu’elle (la réforme) n’aura pas les vertus initialement présentées et que, pour parlera franc, elle a plutôt du plomb dans l’aile.

Demain 17 décembre une nouvelle journée de grève devrait être cette fois décisive car les fonctionnaires ont aisément compris qu’en basant leurs services effectués sur l’ensemble de leur carrière et non les 6 derniers mois, ils seront les grands perdants de la réforme. Certes, me direz-vous, peu d’entre eux seront directement impactés, mais pourquoi cette régression si ce n’est pour encore faire des économies et réduire les retraités à l’indigence ? Dans le privé ce ne sera plus, non plus, les 25 meilleures années mais également l’ensemble de la carrière qui sera la référence. Les moins bonnes années viendront donc baisser mécaniquement les pensions. Concernant toujours le secteur privé, le site rapports de force précise :

 » lorsqu’en 1993 le nombre des meilleures années dans le calcul des pensions est passé de 10 à 25, la baisse moyenne des pensions pour les salariés a été de 6 %. Avec la réforme des retraites à venir, la chute pourrait être plus importante encore. Le gouvernement veut en effet limiter à 14 % du PIB les dépenses liées aux pensions. Elles sont aujourd’hui de 13,8 %. Or, d’ici à 2050, le nombre de personnes à la retraite augmentera de 6 millions. Plus de retraités devront donc se partager 14 % du PIB. Les parts pour chacun diminueraient. Une hypothèse que ne retient pas le Conseil d’orientation des retraites qui table sur la croissance pour augmenter suffisamment le PIB et maintenir le niveau des pensions« .

Ajouter à cela un point dont la valeur dépendra au final d’un vote de la majorité à l’Assemblée, car le Medef et les syndicats ne seront jamais d’accord, et l’on comprendra la nécessité pour tout le monde de s’opposer énergiquement à cette réforme même si de nombreux français devant se déplacer pendant les fêtes de fin d’années auront à en souffrir et toutes les bonnes raisons de râler. Eux aussi sont concernés de même que leurs enfants et petits-enfants.

Mais si le système actuel est conservé, où va-t-on trouver l’argent supposé faire défaut ? Mais tout simplement en regardant là où il se trouve c’est à dire du côté des transactions financières où un faible pourcentage pourrait être prélevé, ainsi que du côté de la fraude fiscale que les fonctionnaires de Bercy ont toutes les peines du monde à juguler. Les sommes récupérées rien que dans ces deux domaines devraient assurer largement la pérennité du système en place.

Il est grand temps que nos gouvernants cessent de nous considérer comme des ignorants et des attardés.

Photo : https://local.attac.org/