Retraites : la réforme passera-t-elle ?

Avant-propos : ce billet vient en complément du précédent et corriger quelques imprécisions.

Peu au fait des subtilités du droit constitutionnel et mal informé par les journalistes qui n’ont pas jugé utile pour éclairer les masses populaires, d’anticiper sur le rôle de la Commission Mixte Paritaire (CMP),  je me trouve contraint d’apporter quelques précisions quant à son véritable rôle défini par la loi.

C’est demain mercredi 15 mars 2023 que se réunira dans une salle de l’Assemblée nationale, à huis clos (pourquoi ?) et pour une journée la commission composée de 7 députés et 7 sénateurs accompagnés de leurs 7 suppléants, ces derniers n’ayant pas voix au chapitre (et oubliés par les journalistes). Cette Commission siège lorsqu’un projet de loi n’a pas été adopté dans les mêmes termes par les députés et les sénateurs, ce qui est le cas pour le projet de loi de report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite (1). Son but : trouver un compromis sur la loi. Deux possibilités seront donc envisagées à l’issue de la réunion.

1) La Commission n’a pas trouvé de compromis. Cette éventualité, compte tenu de la composition politique des parlementaires, est peu probable. Si c’était le cas, le projet continuerait d’être débattu dans les 2 chambres jusqu’au 26 mars dernier délai. Si un accord n’est toujours pas trouvé à cette date butée, le Gouvernement pourra légiférer sans vote et par ordonnance.

2) La Commission a trouvé un compromis. C’est l’issue attendue par le Gouvernement. Tout se jouera le lendemain, jeudi 16 mars 2023. Le compromis sera d’abord présenté aux sénateurs à 9 heures et passera à coup sûr, ces derniers ayant adopté le texte en première lecture. Il sera ensuite présenté aux députés à 15 heures et là, cela risque de coincer pour le Gouvernement. Deux options seront alors envisageables :

  • Le texte est aussi adopté par les députés, la loi est alors votée et les travailleurs bosseront 2 années de plus dans des modalités qu’il faudra étudier à la loupe (les décrets d’application font parfois apparaître des interprétations nouvelles et contestables).
  • le texte est rejeté par une majorité d’opposants (NUPES, RN, quelques LR, LIOT) d’où la crainte du Gouvernement qui actuellement compte ses voix en appelant au téléphone celles et ceux qui pourraient hésiter. Si malgré ce rabattage le rejet parait assuré, le Gouvernement peut passer en force, avant toute discussion, et grâce au fameux article 49.3. Dès lors, les choses risquent de se compliquer pour lui.

Car le 49.3 n’est pas sans danger ! Il présente 2 situations pouvant mettre en péril madame Borne et son équipe.

  • A la suite du 49.3 les députés décident de voter une motion de censure. Elle est envisagée par la NUPES, les LR et LIOT (le parti de M. Charles de Courson, ce dernier considère que la motion serait « transpartisane »). Cette motion pourrait donc passer à quelques voix près. Madame Borne et ses ministres devrait alors démissionner et la réforme serait enterrée.
  • La motion de censure n’est pas votée. La loi passe, mais la rue qui ne veut pas de cette réforme à 70% risque de se révolter en provoquant des troubles aux conséquences incertaines. La persistance de ces troubles pourrait aussi déboucher, à terme, sur le remplacement de l’équipe gouvernementale.

Mais revenons sur l’hypothèse de la motion de censure adoptée par l’Assemblée. C’est à dire à la fin du Gouvernement Borne. Dans cette éventualité, le Président Macron a annoncé qu’il envisageait de dissoudre l’Assemblée nationale. Ce qui ne ferait pas l’affaire de nombreux députés qui savent déjà que leur réélection serait compromise. Nos amis les Représentants du peuple seraient donc amener à réfléchir à deux fois avant de voter cette fameuse motion qui pourrait, in fine, voir la fin de leur belle aventure législative.

Reste la question posée : le «cavalier» passera-t-il les obstacles parlementaires ? Rendez-vous jeudi soir mais le sujet, dans l’affirmative, ne sera pas clos pour autant. Le Conseil constitutionnel, éventuellement saisi par l’Assemblée, pourra considérer ce «cavalier» comme un intrus au milieu des articles du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023.

(1) cette loi est en fait ce qu’on appelle un «cavalier», le terme «coucou» d’ailleurs serait plus approprié car le «cavalier» est une loi ou un article de loi qui se niche dans une autre loi et qui donc n’a rien à faire normalement là où il a été placé. Ladite loi qui contient le «cavalier» de l’âge de départ à la retraite est le Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 dont personne ne parle. Une forme de tromperie parlementaire et médiatique en quelque sorte !

Sources : https://lcp.fr/programmes/l-abecedaire-commission-mixte-paritaire-3215 – RMC Expliquez-nous Nicolas Poincaré le 13 mars 2023 – https://www.gouvernement.fr/partage/9272-le-processus-d-adoption-d-une-ordonnance – https://landyn-smith-web.blogspot.com/2022/10/motion-de-censure.html – https://www.revuepolitique.fr/article-49-3-face-a-lobstruction-quelle-autre-parade/