Loi Retraites : chronique d’un échec annoncé

Errare  humanum est, perseverare diabolicum cette locution latine qui signifie, comme chacun le sait, « L’erreur est humaine, persévérer [dans son erreur] est diabolique » s’appliquait parfaitement à notre Président Macron dont l’attitude pendant la « crise retraites » a consisté à ignorer la voix du peuple; ses nombreux voyages à l’étranger, motivés par des rendez-vous internationaux importants, ont justifié à point nommé ses absences. Cachez ces incivilités que je ne saurais voir ! (façon Molière). Mais, il faut en convenir, cette attitude considérée comme du mépris par le bas peuple, a fini par payer «sans se mouiller» pour reprendre ses propos (1). En effet, la loi a été validée sans surprise par le Conseil constitutionnel, composé d’anciens politiques, et aussitôt promulguée par ses soins. Restait à «tourner la page» et à en tirer un premier bilan dressé rapidement par la Première ministre le soir de la promulgation de la loi : bilan qu’elle résume par la formule : «Ce soir il n’y a ni vainqueur ni vaincu».

Il fallait oser le dire quand on sait maintenant que les travailleurs actifs nés après 1973 ne pourront pas partir à la retraite avant 64 ans. Je ne pense pas que l’on puisse considérer cette disposition comme un nouvel acquis social obtenu de haute lutte. En revanche, l’exécutif a eu ce qu’il voulait, à savoir que les actifs cotisent davantage, non pour sauver le système des retraites par répartition mais surtout pour donner de nouveaux gages aux instances européennes et rassurer les agences de notation, à l’affût depuis le Covid-19.

Cela dit, on peut légitimement se demander pourquoi une si grande débauche d’énergie s’est avérée infructueuse et, au final, n’a servi au peuple qu’à tirer… des enseignements. Si l’on revient rétrospectivement sur les péripéties qui ont marqué la période de grèves et de manifestations, on relève des évènements marquants qui annonçaient un probable futur échec de la contestation. En voici quelques uns qui, vous allez le constater, impliquent l’ensemble des participants qui font que ladite période a ressemblé à un formidable jeu de rôle où tous les acteurs ont rempli leur mission sans trop se préoccuper de la prestation d’ensemble et de l’avis des principaux intéressés.

Première concernée, l’Assemblée nationale. Deux motions de censure ont été déposées contre le Gouvernement. L’une par le groupe Nupes et l’autre par le Rassemblement national (RN). La Nupes pour des raisons idéologiques n’a pas voulu s’associer à la motion des RN. Déjà une fracture qui s’apparente à un pied de nez des représentants du peuple au peuple. Par ailleurs, la majorité absolue de 287 voix nécessaires à la censure restait envisageable à tout moment par l’alliance de l’ensemble des groupes opposés à la majorité présidentielle, ces derniers ne représentant que 200 voix. Il apparait donc clairement que l’Assemblée nationale, divisée, à joué son rôle en se moquant éperdument des souhaits du peuple. Sans oublier qu’une motion de censure adoptée entrainait indirectement la dissolution de l’Assemblée où de nombreux députés risquaient de perdre leur fauteuil.

Deuxièmes concernés, les syndicats. Ils ont été solidaires et exemplaires… jusqu’à la promulgation de la loi. La détermination de M. Martinez à la CGT et celle de M. Berger à la CFDT laissait entrevoir une crise pérenne jusqu’à l’obtention du retrait de la loi. Leur demande d’entrevue avec le Président s’étant apparentée à un camouflet, tout dialogue paraissait durablement impossible. Et c’est là que deux évènements, qui n’ont pas fait grand bruit, se sont produits. Le camarade Martinez, en fin de contrat, n’a pas jugé nécessaire de prolonger temporairement et solidairement son mandat. Il a brusquement disparu des écrans télévisuels et a passé discrètement le relai à une « dame au chapeau », une dénommée Sophie Binet qui, dès ses premières apparitions médiatiques, s’est interdite de répondre à une journaliste de Cnews. Curieuse attitude de la part de quelqu’un qui reproche à Macron le refus de tout dialogue (voir la vidéo ci-dessous).

Quant au camarade Berger dont l’avenir apparaissait bouché, il a abandonné en rase campagne, bloqué dans sa bouderie indéfectible avec l’exécutif et dans l’impossibilité de revenir sur ses propos. Sans avenir pour sa confédération et sans vergogne, il a jeté l’éponge. Son départ d’ailleurs était annoncé par un second couteau qui, surprise, parlait peu de temps avant, de reprise du dialogue. La CFDT reste donc fidèle à son image de marque de négociatrice privilégiée et, aux dernières nouvelles, elle serait prête à discuter sur… la prise en compte de la pénibilité du travail dans la rédaction des futurs décrets d’application de la loi Retraites. On ne rit pas !

Troisièmes concernés, les médias. Fidèles à leur ligne de conduite, les chaînes de la télévision publique (Tous les «France» 2, 3, 5, 24, Inter, Info etc) sans surprise, ont marqué leur sympathie inavouée pour les gouvernants en insistant davantage sur les déprédations des manifestants que sur les enjeux de la loi et sur les faibles participations plutôt que sur l’unité syndicale. Les chaines privées quant à elles, ont fait leur job mais leurs interprétations étaient divergentes selon les inclinations politiques de leur patron. Pour illustrer mon propos, le journaliste Pascal Praud par exemple qui travaille pour RTL et Cnews adopte des positions différentes selon qu’il intervient sur l’une ou l’autre station. Quelles que soient la nature de ces chaînes, on a pu noter qu’elles ne s’étaient pas impliquées dans l’analyse approfondie de la loi et qu’elles rebondissaient sur les explications aléatoires fournies par des «spécialistes». Mention : «auraient pu mieux faire».

Quatrième et principal intéressé, le Peuple. Si l’on ramène le pourcentage des manifestants au plus fort de la crise (3 millions)  au nombre de Français inscrits sur les dernières listes électorales (près de 48 millions) on s’aperçoit avec stupeur que seulement 7 % sont descendus dans la rue.  Vous pouvez m’objecter que ce n’étaient pas les mêmes à chaque fois. Difficile de le savoir mais quoi qu’il en soit on ne peut que constater la «faible» mobilisation de masse. Les raisons en sont multiples et pourraient faire l’objet d’un billet particulier (perte de salaires, risque de perte d’emploi dans le privé…) mais il faut en convenir, les principaux intéressés n’étaient pas assez nombreux pour impressionner l’exécutif. Plusieurs grèves générales auraient eu certainement un impact plus fort et auraient couté moins cher à tous points de vue.

Il ressort de cette brève analyse que l’échec général de l’opposition à la loi Retraites est la résultante de plusieurs facteurs dont l’ensemble peut s’apparenter à un jeu de rôle particulièrement réussi. C’est aussi l’avis de Patrick Buisson avec lequel je n’ai aucune affinité particulière et qui affirmait sur RMC le 19 avril 2023, lors d’un face à face avec la journaliste Apolline De Malherbe : «Le commentariat ne vient pas du tout sur ce terrain. On a assisté à un jeu de rôle, à un théâtre d’ombres dans lequel il y a eu une complicité objective entre le pouvoir et l’intersyndicale». Ces deux institutions auraient-elles des intérêts communs ? 🙂

Reste aujourd’hui quelques îlots de mécontents déterminés qui persistent et s’en prennent bruyamment aux représentants de l’exécutif. Des concerts de casseroles systématiques et des blocages de ministres en déplacement sont les derniers soubresauts de la colère de peuple. Ces agacements seront-ils suffisants pour que Macron revienne sur la loi comme l’espère encore M. Manuel Bompard et la Nupes ?  Attendons le prochain épisode de cette saga qui se déroulera le 1er mai prochain et qui s’annonce à la fois important et inquiétant. A cette occasion, nous aurons probablement le plaisir de revoir messieurs Martinez et Berger en tête de cortège comme au bon vieux temps. Quoi qu’il arrive, la loi Retraites laissera des traces jusqu’à la fin du quinquennat Macron et peut-être au-delà notamment quand il faudra choisir la personne qui lui succèdera en 2027 : (Mélenchon, Le Pen , un young leader? 🙂 ).

(1) Au plus fort de la crise, j’ai entendu, à plusieurs reprises, les médias faire référence au général De Gaulle qui, en pareille situation de chienlit, aurait assurément proposé un référendum au peuple. On peut effectivement le penser. Mais entre De Gaulle et Macron il y a une différence fondamentale qui semble avoir échappé aux commentateurs et qui explique le mépris de notre Président. Il est européiste convaincu, biberonné à l’américaine. Quant au général, il était souverainiste, en d’autres termes, défenseur des intérêts du pays avant tout. Une conviction qui de nos jours s’apparente à une forme de complotisme, voire de fascisme. Et oui ! les temps changent mais les hommes continuent de louvoyer au gré de leurs intérêts ou de groupes d’influence comme les ONG, Davos, Bilderberg

Sources : Internet –  https://www.google.com/url?sa=i&url=https%3A%2F%2Fwww.touteleurope.eu%2Feconomie-et-social%2Fretraites-l-union-europeenne-n-impose-pas-a-la-france-sa-reforme%2F&psig=AOvVaw35nudmzfhrT6VypUXjtNWS&ust=1682542436186000&source=images&cd=vfe&ved=0CBAQjhxqFwoTCPDEwbP1xf4CFQAAAAAdAAAAABAP – https://www.andlil.com/definition-de-agence-de-notation-130042.html  – https://www.cftc-education.fr/mobilisation-contre-la-reforme-des-retraites-cfdt-et-cgt-vraiment-main-dans-la-main/ – https://www.cnews.fr/france/2023-02-13/reforme-des-retraites-qui-pourra-vraiment-toucher-la-pension-minimum-de-1200-euros – Photos :  https://www.liberation.fr/politique/le-conseil-constitutionnel-sous-haute-protection-symbole-dune-faillite-democratique-20230413_FM5Z6FBDOBE37HZSMMBRVWZEOM/ – Caricature extraite du Canard enchainé du 26 avril 2023 – Face à face Apolline de Malherbe et Patrick Buisson le 19 avril 2023.