Société : Retraites – Pas de panique, Il y a de la réserve !

Pour lui avoir évité la censure, le Premier ministre, François Bayrou, avait promis à la Gauche la réouverture de l’épineux chapitre des Retraites. Chose promise, chose due. Les discussions entre le patronat et les syndicats ont débuté la semaine dernière sous l’appellation originale et surprenante de «conclave».

Petite parenthèse : pour les non initiés, un conclave est une réunion de cardinaux rassemblés dans un lieu fermé à clé et duquel ils ne peuvent sortir que lorsque l’un d’entre eux a été désigné Pape. Le terme de «conclave» apparait donc inapproprié quand on sait que syndicats et patronat ne sont pas réunis pour une élection et que, dès leurs discussions terminées, ils se livrent librement chaque jour à des commentaires sur l’avancement de leurs travaux. Mais peut-être faut-il voir dans le choix de ce mot, une malice de circonstance, sachant que le Pape actuel, François, présente les signes d’une santé chancelante… et qu’un vrai conclave se prépare déjà en coulisse.

La parenthèse refermée, revenons au «deal» du Premier ministre qui  a donné aux conférenciers, trois mois pour remettre les comptes des retraites à l’équilibre. Ces comptes sont parait-il dans le rouge et, concomitamment, la dénatalité du pays est jugée préoccupante. En 2050, si l’on en croit les gouvernants, il n’y aura plus assez d’actifs pour alimenter les caisses. Cette remise à l’équilibre apparait donc comme une véritable gageure quand on sait de surcroit que le patronat souhaiterait que l’âge de départ à la retraite soit porté à 66 ans et que les syndicats voudraient au contraire que l’âge actuel de 64 ans soit ramené à 62 !

Mais les discussions doivent aussi porter sur la délicate question du mode de financement des retraites et donc du maintien ou pas du financement actuel par répartition. Le patronat et le gouvernement face à la dette colossale seraient plutôt favorables à un système basé sur la capitalisation ou à un régime par points. Dans ces deux dernières hypothèses, le montant des pensions des futurs retraités serait soumis aux aléas de la situation financière du pays et aux fluctuations de la valeur du point d’indice ; cette dernière, elle aussi deviendrait dépendante de la volonté des gouvernements en place, voire des décisions de Bruxelles. La fin du système par répartition est déjà dans les tuyaux et l’on s’achemine à mon avis vers la retraite à points et très probablement aussi vers le revenu universel, cher à Benoit Hamon.

Reste une autre incertitude, la situation réelle des sommes engrangées dans les caisses du secteur public. Il n’y a pas si longtemps, le COR (Conseil d’Orientation des Retraites), dressait un bilan presque satisfaisant de la situation (150 milliards de réserve), tandis qu’aujourd’hui la Cour des comptes et le gouvernement observent une perspective inquiétante pour l’avenir proche (1). Qui croire quand les uns et les autres se basent sur des données et des sources différentes. Et, si à l’incompréhension vient s’ajouter les commentaires d’un ancien syndicaliste affirmant que patronat et syndicats s’entendent pour détourner, à leur avantage, une partie des cotisations… (Voir mon précédent post sur le sujet).

 Il apparait donc fort improbable que quelque chose de spectaculaire sorte de ce «conclave», si ce n’est une espèce de statu quo renvoyant à une prochaine réunion, en attendant une énième réforme qui mettra les gens dans la rue et le gouvernement en difficultés. Pour le moment, Bayrou à sauver son gouvernement, la Gauche et les syndicats occupent le terrain, et le patronat a revêtu son costume d’empêcheur de tourner en ronds. Quant aux citoyens lambda en activité, ils ne savent toujours pas à quelle sauce ils pourront agrémenter leurs repas quand viendra l’heure de la retraite.

Note : pour illustrer mon propos sur l’extrême variabilité des chiffres annoncés par les intervenants, voici une petite vidéo (pas trop ancienne si l’on observe la présence furtive de M. Delevoye en décor de fond de studio) qui outre le mérite de nous remémorer quelques dispositions comme – la CADES (la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) financée par la CRDS (Contribution pour le remboursement de la Dette Sociale), et le fonds de réserve créé par Jospin (FRR) dont on n’entend plus parler – nous rassure sur l’état des finances réservées aux retraites.

En fin de vidéo, le commentateur (l’économiste Gilles Raveaud) concède que dans les prochaines décennies, les Français vont devoir ponctionner «grave» dans leurs économies pour assurer la dépendance de leurs aînés. Mais, on le sait, le processus est déjà enclenché car déjà certains héritiers ont commencé à vendre les biens de leurs parents pour alimenter les EHPAD qui se goinfrent au passage. Bonne lecture et bon courage aux actifs !

(1) « Ce rapport [de la Cour des comptes] fait état des perspectives financières préoccupantes de notre système de retraites : dès 2025, celui-ci devrait présenter un déficit de 6,6 Md€, qui devrait se creuser à 15 Md€ en 2035 et autour de 30 Md€ en 2045. Faire revenir notre système de retraites à l’équilibre est un défi qu’il est de notre responsabilité de relever dès maintenant, nous le devons aux générations futures, à nos enfants« .

Sources : Photo CFDT du Post – Caricature : https://fr.pinterest.com/pin/retraite-361554676347637409/ – Conclave : https://enlacecatolico.blogspot.com/2015/10/el-conclave.html – https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2329 – https://www.info.gouv.fr/communique/situation-financiere-et-perspectives-du-systeme-de-retraites.