Crétins utiles et théoriciens géniaux

Jean Amadou est décédé

Photo : http://lci.tf1.fr/biographies/jean-amadou-des-planches-au-bebete-show-6781854.html

Jean Amadou dans une de ses chroniques qu’il présentait jadis sur Europe 1 affirmait qu’il existe deux catégories de politiciens. Ceux qui sont actuellement en place ou qui ont leurs amis au pouvoir, et les autres qui rêvent de les remplacer.

Les premiers vous expliquent les nombreuses difficultés et contraintes auxquelles ils sont quotidiennement confrontés et le peu de solutions qui s’offrent à eux pour y pallier; le manque de temps, d’argent, de moyens, d’effectifs sont évoqués et surtout l’Europe qui leur met constamment des bâtons dans les roues. Les seconds, en revanche, savent comment il faut s’y prendre. Ils développent des idées séduisantes tellement évidentes qu’on se demande pourquoi d’ailleurs les premiers ne s’en inspirent pas.

Jean Amadou appellent les premiers des crétins utiles et les seconds des théoriciens géniaux. Ce qu’il y a de surprenant, et c’est là que j’arrive au côté distractif du débat, c’est que tour à tour grâce à l’alternance gauche-droite du pouvoir instituée dans le pays, les seconds remplacent les premiers et, curieusement, confrontés à la réalité des problèmes, finissent par perdre la lucidité dont ils faisaient preuve autrefois en dehors de toute charge. Étrangement, cette lucidité réapparait quand ils sont de nouveau dans l’opposition.

Alors me direz-vous, comment se sortir de cette spirale infernale ? La solution réside dans la conclusion de la chronique du regretté Jean Amadou, grand observateur de la vie politique, qui terminait par ces phrases (1) :

 Entre “Voilà ce que je ferai” et “Voilà ce que je suis obligé de faire”, il y a tout ce qui sépare une solution d’un casse-tête. Il y aura toujours des crétins utiles et des théoriciens géniaux… L’idéal serait bien sûr d’avoir des théoriciens utiles, mais j’ai beau fouiller les archives de la vie politique, je n’en vois guère, y compris parmi ceux qui ont des plaques à leur nom dans toutes les rues de France. Et puis, cela sous-entend qu’il y aurait des crétins géniaux. Qui voudrait revendiquer ce titre ? Vous imaginez sur une affiche électorale : “ Jean Durand, crétin génial, sollicite vos suffrages” ? Même sa femme n’oserait pas voter pour lui…

(1) Extrait de “Journal d’un bouffon” Editions Robert Laffont. Janvier 2002.

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