Société : la nouvelle réforme des retraites fortement menacée

Ça y est, gouvernement et syndicats ont terminé leur discussion qui ont duré plusieurs mois (le projet de loi va donc être présenté aux parlementaires dès la semaine prochaine). Comme on pouvait s’y attendre les deux camps n’ont pas pu se mettre d’accord. Originalité de la contestation, tous les syndicats sont cette fois unanimes pour rejeter la future loi consistant à porter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, dès 2030.

Outre l’augmentation de la durée du travail de deux ans, les centrales syndicales considèrent le projet inacceptable pour d’autres raisons tout aussi justifiées : le contexte actuel de guerre et d’inflation est jugé inapproprié et, enquiquiner les Français avec ce genre de réforme s’apparente pour elles à de la provocation. Par ailleurs 3 Français 4 y sont opposés. Autres motifs majeurs, les modalités de prise en compte de la pénibilité ainsi que celle des carrières longues sont imprécises. Quant à la juste répartition des cotisations entre particuliers et entreprises elles ne sont qu’évoquées. Tous les syndicats ont donc appelé la population à réagir rapidement et vigoureusement le jeudi 19 janvier 2023.

Côté Macron, alors que d’après le COR (le Conseil d’Orientation des Retraites) la situation actuelle des différentes caisses de retraites ne nécessite aucune précipitation, le gouvernement, malgré tout, fait le forcing probablement pour donner des gages aux différents créanciers qui couvrent nos emprunts qui s’additionnent. La situation des caisses est d’autant plus rassurante qu’il existe depuis 2001 – les Français l’ont oubliée mais pas les gouvernants étrangement silencieux sur le sujet – une solution dite «cagnotte Jospin», une espèce de fonds de réserve mis en place justement pour alimenter les retraites en cas de nécessité. Quelle est exactement son montant ? A quoi sert-elle actuellement ? Nul ne le sait précisément à part ce journaliste qui intervenait sur BFM TV/Business quelque temps avant la journée de grève du 5 décembre 2019. Curieusement, les syndicats ont eux aussi «oublié» de parler de cette cagnotte et… de la CADES. Hum…

Côté Parlement, reste à savoir comment l’Assemblée nationale va se comporter face au projet. La NUPES  a préparé déjà une flopée d’amendements (plusieurs milliers parait-il) pour entraver les débats. Si les députés des 3 groupes principaux de la majorité présidentielle (Renaissance, Démocrate et Horizon) seront solidaires pour défendre le projet, ils ne seront pas assez nombreux pour atteindre la majorité de 289 voix… sans l’aide des députés LR (partagés sur la question). A défaut, un nouveau 49.3 pourrait se profiler et mettre le feu à l’Assemblée.

Que le projet passe aux voix ou avec l’aide de l’article 49.3, la réaction des Français demeure pour l’instant imprévisible et la possibilité que le feu atteigne aussi la rue reste une hypothèse très plausible. Déjà, plusieurs corps de métiers ayant pouvoir de blocage ont prévu de descendre dans la rue le jeudi 19 janvier 2023 et posé plusieurs préavis de grève échelonnés. Quoi qu’il en soit, les syndicats jouent gros dans ce bras de fer car, en cas d’échec sur un sujet aussi grave qui devrait normalement mobiliser plusieurs centaines de milliers de gens (voire plusieurs millions), leur crédibilité à l’avenir risque d’être gravement entachée.

Bien que la question de l’avenir des retraites se pose avec gravité, je souhaite conclure ce billet sur une note humoristique. Je vous propose 2 documents très instructifs sur la versatilité des discours du Président Macron. L’art et la manière en quelque sorte de duper les gens.. ou de parler pour ne rien dire.

Voici ce qu’il disait en avril 2019 à propos des retraites (entendu fort opportunément sur RTL le 11 janvier 2023 et à déguster avec délectation) 🙂 :

Il a tout dit. Fermons le dossier retraites !

Spécialiste du «en même temps» le Président Macron l’est aussi pour «le tout et son contraire». Voyez la courte vidéo ci-après.

Est-il sensé de confier les clés du royaume et les codes nucléaires à un personnage aussi versatile ?

Sources : – Canard enchainé du 11/01/23  – stephanelarue.com – 13/01  https://www.google.com/search?q=cagnotte+jospin&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=2ahUKEwj1lcjN0Mf8AhXWSKQEHeA9BcwQ_AUoAnoECAEQBA&biw=1512&bih=745&dpr=1.11#imgrc=_Yb15yXMKU0F4M – BFM/Business – tribunaldunet – RTL – Internet

 

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2 commentaires

  1. D’une façon générale la confiance envers nos autorités est rompue et ça me semble un chose extrêmement grave comme le montre l’effondrement des partis traditionnels sans que d’autres partis puissent convenablement gouverner ce pays si compliqué. Il faut admettre que la France a un problème de gouvernance, la cinquième république fut créer dans des circonstances particulières par et pour un type comme de Gaulle. Problème par quoi et comment colmater la brèche, je pense mais je n’y connais rien que nous sommes proches d’une fin de cycles, évènement nombreux et tragiques de notre histoire: Monarchie, Napoléon, L’empire, serait-ce de nos jours cette fin de mondialisation. Heureusement que nous avons des profils Sciences PoPo pour nous guider..

  2. Comment s’étonner, après de pareils exemples venus « d’en haut », que la parole des politiques ne soient pas complètement décrédibilisée et que l’abstentionnisme batte des records à chaque élection.
    Quant au projet Macron de « réforme » des retraites que la majorité des Français a perçu comme une régression sociale inédite, je propose ci-après un texte de Thomas GUENOLE, politologue et essayiste, qui relève cinq des principaux mensonges proférés par les autorités dites responsables :
    Le top 5 des plus grands mensonges pour faire passer la réforme des retraites.
    Publié le 10/10/2019 – Magazine Marianne.
    Thomas GUENOLE
    Politologue et essayiste.
    Auteur de nombreux livres, dont Antisocial (Plon, 2018).

    Alors qu’une nouvelle réforme des retraites est prévue, le politologue Thomas Guénolé se penche sur cinq mensonges couramment diffusés.
    1. « On vit plus longtemps donc il faut travailler plus longtemps  » : FAUX.
    Cette affirmation semble frappée au coin du bon sens. Elle occulte cependant l’énorme écart d’espérance de vie entre les seniors, selon la pénibilité des métiers qu’ils ont exercés et selon leur milieu social.
    De nos jours, un homme de 35 ans va vivre jusqu’à 76 ans s’il est ouvrier et jusqu’à 82 ans s’il est cadre. L’ouvrier meurt donc 6 ans plus tôt que le cadre. L’écart d’espérance de vie en bonne santé est lui aussi très élevé. Un cadre âgé de 35 ans va atteindre l’âge de 69 ans sans aucune incapacité. Pour un ouvrier en revanche, les incapacités (au niveau de la vue, de l’ouïe, de la marche, des gestes quotidiens…) vont commencer dès 59 ans, ce qui représente donc 10 années de moins que le cadre à vivre sans handicaps.
    Lire aussiA méditer avant de réformer les retraites : l’espérance de vie en bonne santé stagne
    Repousser à 65 ans l’âge légal du départ à la retraite, ou encore augmenter la durée totale de cotisations de sorte qu’il faille travailler jusqu’à 65 ans pour atteindre le taux plein, c’est donc proposer que les ouvriers aient à travailler 3 années supplémentaires, à un âge auquel ils ont déjà des handicaps. Et surtout, s’y prendre d’une façon ou d’une autre pour qu’ils aient à travailler jusqu’à 65 ans, c’est proposer que les ouvriers n’aient droit qu’à 11 années de retraite avant de mourir.
    De surcroît, dire : « On vit plus longtemps donc il faut travailler plus longtemps », c’est en partie prendre le problème à l’envers. Il est évident que dans les classes populaires, où les métiers physiquement usants sont surreprésentés, arrêter de travailler plus tôt permet de vivre plus vieux. Par exemple, il va de soi qu’une ouvrière en travail à la chaîne vivra plus longtemps si elle arrête le travail à 55 ans plutôt qu’à 65 ans.
    Présenter en bloc les retraités comme des privilégiés est objectivement erroné
    Réciproquement, cela signifie que repousser l’âge de départ à la retraite, c’est faire mourir les classes populaires plus tôt. De fait, lorsque les gouvernements successifs repoussent l’âge légal de départ à la retraite ou augmentent la durée exigée de cotisations, ils portent la responsabilité, dans l’indifférence générale, de faire mourir plus jeunes les seniors des classes populaires.
    2. « Les retraités sont des privilégiés » : FAUX.
    Il est devenu courant, par exemple lorsqu’il était question d’augmenter la CSG des seniors, d’opposer le niveau de vie des retraités, soi-disant privilégiés, à celui des actifs. L’idée serait que le poids de la prise en charge des uns par les cotisations des autres, serait excessif.
    En réalité, si la pauvreté est en effet moins présente chez les seniors que dans le reste de la population, elle ne les épargne pas pour autant. La France compte de nos jours plus de 800 000 retraités pauvres. Extrême pauvreté exceptée, les seniors représentent 20% de la moitié la plus pauvre de la population française. Et parmi les retraités subissant l’extrême pauvreté, 37% survivent avec l’allocation de solidarité aux personnes âgées (868,20 euros par mois pour une personne seule).
    De surcroît, les réformes des retraites des trois dernières décennies ont tendu à faire baisser les pensions des retraités, et non pas à les augmenter. Par exemple, la réforme Balladur de 1993 a conduit à ce que, pour les salariés du secteur privé, les 25 meilleures années de cotisation, et non plus les 10 meilleures, servent de base lors du calcul de la pension : cela a provoqué une baisse de 15 à 20% du salaire de référence et donc une baisse des pensions.
    Bref, présenter en bloc les retraités comme des privilégiés est objectivement erroné.
    Invoquer la « modernisation » contre « l’archaïsme » est intellectuellement malhonnête
    3. « Les règles de départ à la retraite sont trop avantageuses pour les fonctionnaires » : FAUX.
    Cette affirmation est tellement répétée au fil des ans qu’elle a acquis l’autorité d’une évidence. Elle est pourtant fausse. Selon le Conseil d’orientation des retraites, la majorité des fonctionnaires obtiennent en réalité une retraite plus basse que celle qu’ils auraient eue s’ils avaient été salariés du privé.
    4. « Notre système de retraites est archaïque » : FAUX.
    L’accusation d’ « archaïsme » faite à notre système de retraites s’accompagne, symétriquement, de propositions de « modernisation ». Ce sont généralement les suivantes : remplacer notre système de retraites par répartition, par un système de retraites à points inspiré du modèle suédois ; développer davantage les plans d’épargne retraite privés ; repousser à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite.
    Or, présenter tout cela comme des modernisations ne résiste pas à un simple examen chronologique. Remplacer notre système de retraites par répartition, par un système de retraites à points explicitement inspiré de la Suède, ce serait copier le système adopté par les Suédois en 1994, c’est-à-dire il y a un quart de siècle. Développer des plans d’épargne retraite privés, c’est ressusciter sous forme embryonnaire le système de retraites par capitalisation qui prévalait en France de 1910 jusqu’à la création de la Sécurité sociale moderne, c’est-à-dire dans la première moitié du 20ème siècle. Repousser à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite, ce serait revenir à l’âge de départ instauré en France par la loi du 5 avril 1910, c’est-à-dire il y a plus d’un siècle.
    Autrement dit, indépendamment des autres arguments pour ou contre ces propositions de réformes, invoquer la « modernisation » contre « l’archaïsme » est intellectuellement malhonnête.

    5. Le véritable enjeu des réformes des retraites, c’est de faire baisser les pensions.
    En 2017, en France métropolitaine, le taux d’emploi des 50-64 ans est de seulement 61,5%. Pour les 38,5% restants dans cette tranche d’âge, atteindre la durée de cotisation requise afin d’obtenir la retraite à taux plein est donc exclu, a fortiori si cette durée augmente au fil des réformes.
    Le taux d’emploi des 15-24 ans est de 31%. Pour tous ceux qui entreront dans l’emploi plus tard du fait d’études supérieures, et pour tous ceux entrés tôt en activité mais frappés par le chômage de masse, il faudrait en théorie travailler beaucoup plus longtemps que jusqu’à 62 ans afin de rattraper les années de cotisations retraite ainsi perdues. Or, nous venons de voir que les quinquagénaires sont massivement touchés par le sous-emploi. Des millions de personnes ayant 15-24 ans aujourd’hui n’ont donc d’ores et déjà vraisemblablement aucune chance d’atteindre la retraite à taux plein.
    Retarder l’âge de départ à la retraite ne sert qu’à baisser les pensions des retraités
    Parallèlement, les trois quarts des femmes qui deviennent mères réduisent alors leur temps de travail, et 58% vont jusqu’à interrompre leur carrière. Elles devraient donc en théorie travailler jusqu’à un âge significativement plus élevé que les hommes pour pouvoir atteindre la retraite à taux plein. Elles se heurtent toutefois, elles aussi, à l’obstacle du sous-emploi massif des quinquagénaires.
    Sous le faux-nez de l’argument « il faut travailler plus longtemps », ce qui se produit donc massivement dans le monde réel, ce sont des départs à la retraite sans avoir pu atteindre le taux plein, principalement en raison du sous-emploi massif des 50-64 ans. Pour les millions de personnes frappées par ce sous-emploi, augmenter la durée totale de travail requise pour la retraite à taux plein, alors que déjà ils ne l’atteignent pas, ne peut aboutir qu’à faire baisser la pension qu’ils toucheront.
    Autrement dit, le véritable enjeu des réformes des retraites, et qui n’est jamais exprimé comme tel par les gouvernements successifs, est en fait celui-ci : retarder l’âge de départ à la retraite ne sert qu’à baisser les pensions des retraités, en rendant la retraite à taux plein de plus en plus difficile à atteindre.
    Bonne lecture.
    Maintenant, il revient aux personnes directement concernées d’AGIR ou de toujours SUBIR PLUS.

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